FCPA, SOX, FATCA : quand les lois américaines s’imposent aux entreprises françaises

Nov 21, 2015

🕮 Article publié initialement sur le Portail de l’Intelligence Économique (Portail-IE) en novembre 2015, à l’époque de mes études à l’École de Guerre Économique (EGE).
📎 Lire l’article original : portail-ie.fr

 Par Alexandre Moustafa

 
La menace invisible des lois extraterritoriales américaines

Les entreprises françaises et européennes redoutent désormais autant les sanctions américaines que la concurrence mondiale. Les affaires BNP, Volkswagen ou Alstom ont mis en lumière un phénomène juridique peu connu du grand public mais redouté dans les milieux économiques : l’extraterritorialité du droit américain.

Derrière des acronymes techniques comme FCPA, SOX ou FATCA, se cache une stratégie d’influence juridique globale. Le magistrat Charles Prats rappelle que, dès les années 1960, les États-Unis ont entrepris d’étendre leur droit de la concurrence à l’international. Résultat : les entreprises étrangères sont régulièrement les cibles privilégiées de ce “patriotisme juridique”.

 
FCPA : l’arme anticorruption (sélective) du Département de la Justice

Le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), adopté en 1977, permet aux autorités américaines de poursuivre toute entreprise étrangère soupçonnée de corruption, dès lors qu’elle commerce en dollars, utilise un serveur américain ou opère – même marginalement – sur le sol américain.

Le DoJ (Department of Justice), appuyé par des agences comme le FBI, la NSA ou la SEC, peut exiger la transmission de documents confidentiels, voire interdire l’accès au marché américain ou au dollar. Ces sanctions peuvent frapper n’importe quelle entreprise, de n’importe quel pays, dans n’importe quel secteur.

 
SOX : de la lutte contre Enron à la contrainte mondiale

La loi Sarbanes-Oxley (SOX), votée en 2002 à la suite des scandales Enron et Worldcom, impose des obligations strictes de transparence financière aux entreprises cotées aux États-Unis – américaines ou non.

Une entreprise étrangère cotée au New York Stock Exchange est ainsi soumise à cette loi, sous peine de lourdes amendes, voire de poursuites pénales. Le dirigeant (CEO) peut risquer jusqu’à 20 ans de prison en cas de falsification comptable.

 
FATCA : le glaive fiscal de Washington

Adoptée en 2010, la FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) impose à toutes les banques du monde de déclarer à l’administration fiscale américaine (IRS) les comptes détenus par des citoyens américains. Plus de 100 pays et 100 000 institutions financières ont été contraints de signer des accords avec les États-Unis.

Les coûts de mise en conformité sont considérables. Les établissements bancaires sont devenus, en quelque sorte, des auxiliaires du fisc américain, y compris en Europe.

 
Une stratégie juridique au service d’intérêts nationaux

Sous couvert de lutte contre la corruption, la fraude ou les scandales financiers, ces lois américaines permettent à Washington d’imposer sa vision du droit dans le monde entier. Et les sanctions touchent, en majorité, des entreprises non américaines.

Entre 1999 et 2013, 70 % des entreprises sanctionnées étaient étrangères. Le cas emblématique de Goldman Sachs, non poursuivie pour son rôle dans la crise grecque, illustre le double standard américain.

 
Patriotisme juridique ou guerre économique ?

Certains y voient une justice intègre, d’autres une guerre économique déguisée. Comme le souligne l’investisseur Ernesto Bertarelli :

“Les tribunaux américains savent faire preuve d’un patriotisme dont nous devrions nous inspirer.”
À l’heure de la mondialisation, le droit devient une arme d’influence géopolitique. Et tant que les entreprises européennes continueront d’utiliser les infrastructures américaines (dollar, cloud, serveurs, composants), elles resteront vulnérables.

 
🧠 Conclusion

FCPA, SOX, FATCA… Ces textes de loi sont les outils d’un impérialisme juridique discret mais redoutable. Ils interrogent notre conception de la souveraineté, de la neutralité du droit, et de la capacité de l’Europe à résister. Une prise de conscience stratégique s’impose pour ne pas subir le droit des autres comme une fatalité.